Source : Article de Maître Elodie CHEIKH HUSEIN Avocat au Barreau de Lille publiée sur LINKEDIN Octobre 2024
Le changement de Syndic, très souvent à l’initiative du Conseil Syndical mais aussi la conséquence de la démission du gestionnaire, est courant de nos jours. Une fois le vote acté dans le procès-verbal et notifié à l’ensemble des copropriétaires, le nouveau Syndic va devoir récupérer auprès du sortant l’ensemble des dossiers de gestion, papiers ou numériques, et toutes les archives.
Ce ne sera pas forcément facile car le sortant, peut être un mauvais perdant, qui fera de la résistance ou plaidera qu’il a besoin de temps pour trier les dossiers et archives ou pour mettre en état la comptabilité du SDC.
Souvent banalisé, mais quelque fois polémique ou conflictuelle, cette formalité est pourtant essentielle pour le nouveau Syndic et les copropriétaires. La transmission des archives de la copropriété lors d’un changement de Syndic est une obligation légale essentielle pour assurer la continuité de la gestion de l’immeuble.
Elle est encadrée par le mécanisme de l’article 18-2 de la Loi du 10 Juillet 1965 (dans sa version actuelle, ordonnance du 30 0ctobre 2019).
DECOUVREZ :
Je reproduis ici un excellent article de Maître Elodie CHEIKH HUSEIN Avocat au Barreau de Lille.
Une obligation légale
Cette obligation est encadrée par l’article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui impose à l’ancien syndic de remettre au nouveau syndic, dans un délai de quinze jours à compter de la cessation de ses fonctions, la situation de trésorerie, les références des comptes bancaires du syndicat et les coordonnées de la banque.
L’ensemble des documents et archives du syndicat doit être remis dans un délai d’un mois à compter de la même date.
En effet, cet article dispose que :
« En cas de changement de syndic, l’ancien syndic est tenu de remettre au nouveau syndic, dans le délai de quinze jours à compter de la cessation de ses fonctions, la situation de trésorerie, les références des comptes bancaires du syndicat et les coordonnées de la banque. Il remet, dans le délai d’un mois à compter de la même date, l’ensemble des documents et archives du syndicat ainsi que, le cas échéant, l’ensemble des documents dématérialisés relatifs à la gestion de l’immeuble ou aux lots gérés mentionnés à l’alinéa 11 du I de l’article 18, dans un format téléchargeable et imprimable. Dans l’hypothèse où le syndicat des copropriétaires a fait le choix de confier tout ou partie de ses archives à un prestataire spécialisé, il est tenu, dans ce même délai, d’informer le prestataire de ce changement en communiquant les coordonnées du nouveau syndic ».
L’ancien syndic doit également informer tout prestataire spécialisé en charge des archives du syndicat du changement de syndic, en communiquant les coordonnées du nouveau syndic.
Cette disposition vise à garantir que toutes les informations nécessaires à la gestion de la copropriété soient disponibles sans interruption.
Les conséquences du non-respect de cette obligation
L’absence de transmission des archives par l’ancien syndic complique considérablement la tâche du nouveau syndic, lequel se retrouve dans l’incapacité de gérer efficacement la copropriété, de suivre les comptes, de respecter les obligations légales et de répondre aux demandes des copropriétaires.
Cette situation peut entraîner des retards dans la gestion courante, des erreurs dans les appels de fonds et une perte de confiance des copropriétaires.
Les copropriétaires sont les premières victimes de cette situation. Ils peuvent se retrouver confrontés à des appels de fonds erronés, à des difficultés pour obtenir des informations sur les décisions prises en assemblée générale ou sur les travaux en cours. De plus, l’absence de transmission des archives peut retarder la réalisation de travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble, mettant en péril la sécurité et la valeur de leur bien immobilier.
L’ancien syndic qui ne respecte pas ses obligations de transmission des archives s’expose à des sanctions juridiques.
Après mise en demeure restée infructueuse, le nouveau syndic ou le président du conseil syndical peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant en référé pour ordonner, sous astreinte, la remise des pièces, informations et documents dématérialisés.
L’ancien syndic peut également être condamné à verser des dommages et intérêts pour le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires, outre la prise en charge de l’ensemble des frais de procédure (avocat, commissaire de justice...).
Plusieurs décisions de justice illustrent les conséquences de l’absence de transmission des archives par l’ancien syndic.
Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour d’Appel de Paris (RG 22⁄08708), l’ancien syndic a été condamné à remettre les documents manquants sous astreinte et à verser des dommages et intérêts provisionnels au nouveau syndic.
La cour a rappelé que l’ancien syndic est tenu de fournir à son successeur l’ensemble des archives du syndicat des copropriétaires et que l’impossibilité de transmettre un document qu’il aurait dû détenir expose sa responsabilité.
La Cour de Cassation a également confirmé que le syndicat des copropriétaires lui-même peut agir pour obtenir la remise des pièces du syndicat [1] et ce, en ces termes :
« Attendu, d’autre part, que la Cour d’Appel a retenu, à bon droit, que la possibilité donnée au nouveau syndic ou au président du conseil syndical par l’article de la loi du 10 juillet 1965 d’agir contre l’ancien syndic pour obtenir la remise des pièces du syndicat n’excluait pas celle du syndicat des copropriétaires ».
Il résulte de tout ce qui précède que la transmission des archives de la copropriété par l’ancien syndic au nouveau syndic est une obligation légale cruciale pour assurer la continuité de la gestion de l’immeuble.
Il est donc impératif pour les syndics de respecter scrupuleusement les délais et les modalités de transmission des archives prévus par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis afin de garantir une gestion transparente et efficace de la copropriété.
A défaut, la saisine du tribunal est inévitable.
Cas particulier : focus sur la destruction/la perte des archives
Il peut arriver, dans la pratique, que certaines archives aient disparu et/ou ont été détruites.
Le syndicat des copropriétaires le découvre alors en cas de changement de syndic, lorsque la demande de transmission des archives est formulée par lettre RAR...
En telle situation, il est certain qu’il en résulte une carence manifeste du syndic qui engage sa responsabilité et peut, au surplus, être condamné à indemniser le syndicat des copropriétaires pour tous les préjudices en résultant.
En tout état de cause, si un nouveau syndic en exercice constate l’absence de certaines archives, il doit immédiatement en aviser le syndicat.
Il convient de rappeler, en tant que de besoin, que :
Mais en pratique, et même si le syndic est responsable des archives de la copropriété, un juge ne pourra jamais condamner un syndic à remettre des documents qu’il ne détient pas, soit qu’il ne les a jamais détenus, soit qu’il les a perdus, soit qu’il les a détruits...
Il faudrait alors pouvoir démontrer que la perte ou la destruction des archives leur est imputable ou qu’ils n’ont jamais rien tenté pour rechercher les documents égarés ou alors reconstituer les archives.
Pour exemple : extrait d’un arrêt rendu par la Cour de Cassation 3ème Chambre civile du 14 janvier 2009 n°05-11.985, Inédit :
« Attendu qu’ayant constaté d’une part, que ni la société ACM ni son prédécesseur la société FIP n’étaient en mesure de procurer aux époux X... les documents réclamés afférents aux assemblées générales tenues entre le 10 mars 1995 et le 15 juin 1999, et retenu que ces pièces étaient introuvables sans que leur perte puisse être imputée à l’un ou à l’autre des deux syndics, d’autre part, qu’eu égard à leurs explications et à la chronologie des faits, il ne pouvait être retenu, à l’encontre ni de l’un ni de l’autre, aucune inertie fautive dans la recherche de ces documents égarés, la cour d’appel, par une décision motivée, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à l’absence de demande subsidiaire de dommages-intérêts des époux X... en réparation de l’inexécution de l’obligation de faire du syndic de leur ancienne copropriété, a pu en déduire que la demande de communication de pièces des époux X... devait être rejetée ».
Dès lors, et même s’il est obtenu un jugement condamnant l’ancien syndic à remettre l’ensemble des archives sous astreinte, le seul intérêt résidera dans le fait que la copropriété pourra alors liquider l’astreinte puisque les archives ne pourront elles jamais être restituées.
Dans cette hypothèse, le nouveau syndic aura alors pour mission de reconstituer les archives de la copropriété, ce qui aura un coût conséquent, surtout si la mission est confiée à un syndic professionnel.
Il est possible de limiter ces coûts en procédant, et dans un premier temps, à des recherches à titre personnel :
La publicité foncière demande 30 euros de frais de copie.
On peut y retrouver les informations suivantes : la répartition des charges entre copropriétaires et méthode de calcul pour établir les quotes-parts de chacun, les règles liées l’administration des parties communes et surtout l’état descriptif de division de l’immeuble identifiant chaque lot de par numéro, suivi des informations relatives à chacun d’eux (inventaire des lots privatifs).
Pour rappel, les règlements de copropriété publiés depuis le 31 décembre 2002 doivent préciser la façon dont les quotes-parts des parties communes sont calculées et les charges réparties.
Pour le reste, il faudra que le syndic se rapproche de tous les copropriétaires pour aller à la « chasse » aux documents.
Ce qui est certain, c’est que malheureusement, il n’y a pas de solution « miracle » à cette situation et que le travail de reconstitution d’archives sera soit coûteux pour la copropriété, soit laborieux et partant, assimilable à un « travail de fourmi ».
5
[1] Cour de Cassation RG 10-21.009, 3ème Chambre Civile - 2011-11-02
[2] Article 197, 4o et 5o de la loi du 25 janvier 1985 modifiée
[3] Article 322-2 du Code Pénal
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